Paris s’impose en nouvelle capitale du design

A l’occasion de ses 15 ans d’existence, la Paris Design Week prend le pas sur le salon Maison & Objet qui se recentre, désormais, en septembre, sur la décoration, les objets et les accessoires.

Traduction | Villas
9 minutes

Au rythme du thème fédérateur de la “Régénération”, les rues de la capitale et le Parc des Expositions de Villepinte sont associées pour offrir une place de choix à la création expérimentale, l’esprit de laboratoire, les innovations et les jeunes talents, avec une mise en avant des idées qui ont un impact positif sur la société, l’environnement et l’économie. Du 4 au 13 septembre, les grandes marques ont accueilli les visiteurs dans leurs showrooms et les designers ont investi des galeries pour nous faire découvrir leurs dernières nouveautés. Morceaux choisis parmi les nombreuses présentations…

Collection Morning Mist, création Benjamin Graindorge, Ymer&Malta (ymeretmalta.com)

Galerie Yves Gastou, exposition 40 ans de découvertes, jusqu’au 4 octobre 2025 (galerieyvesgastou.com).

Galerie Yves Gastou, exposition 40 ans de découvertes, jusqu’au 4 octobre 2025 (galerieyvesgastou.com).

A la découverte de nouvelles matières

Dans plusieurs quartiers de Paris, du 4ème au 13ème arrondissement, en passant par la galerie des Gobelins et jusqu’à Aubervilliers, le mouvement de la Paris Design Week Factory a investi des lieux patrimoniaux, des galeries iconiques et de nouveaux espaces comme celui du 84, rue de Turenne réunissant douze maisons d’édition et designers confirmés. Dans la galerie de la Manufacture des Gobelins, le travail expérimental des matières comme celui de Wilfried Becret, utilisant des déchets de verre de moins de 3 mm d’épaisseur, non revalorisés, a retenu notre attention. Issus de granulométries différentes, ils sont moulés à chaud, à 800 °, et permettent de créer un matériau innovant, sorte de très fin terrazzo, aux teintes dégradées, qu’il a reconverti en carrelage et un premier modèle d’applique lumineuse. Dans le quartier de l’Opéra, l’ouverture de la Reishi TM House a mis en scène un matériau innovant, façonné par la nature, à partir du mycélium, grâce à la technologie brevetée Fine Mycelium TM de l’entreprise MycoWorks. Les créations de cinq studios danois, des luminaires, un paravent… exploitent ce biomatériau, au toucher très sensuel, proche du cuir.

Exposition Reishi TM in the Nordic Light, par MycoWorks (mycoworks.com).

Des espaces privilégiés

Le design a exprimé sa dimension arty avec des installations sublimées par un cadre historique. Dans la Chapelle Saint-Louis des Gobelins, on pouvait découvrir les nouvelles rééditions de Source Edition, dont le siège Dialogue (création André Monpoix, 1967, en collaboration avec le Mobilier National), permettant de créer un salon modulable. Il a notamment meublé le bureau de Simone Weil. Dans un autre bâtiment, une création de Joseph André Motte, la collection S3T4, rééditée par Duvivier Canapés. Quant à la galerie Ymer&Malta, qui exposera prochainement à Knokke dans le cadre de l’agence Les Confidents, elle a investi la cour de l’Hôtel de Sully, avec des pièces de haute facture en marqueterie de Chêne des marais, minérale ou en résine végétale, à base de lin. Dans la cour de la maison-musée Victor Hugo, la scénographie apaisante d’un espace détente, aménagé par Sandra Benhamou, faisait écho au rez-de-chaussée de l’hôtel Royal Monceau, ponctué par une mise en scène d’un coin lecture, avec la collaboration du matiériste Pierre Bonnefille. Dans le cadre somptueux du Palais Abbatial, la présentation Bel Ouvrage, orchestrée par Carole de Bona, réunissait 140 pièces, dont la mosaïque rock de Béatrice Sert, les meubles revisitant l’Art déco de Tim Leclabart, une marqueterie de papier, signée Pierre-Henri Byessac et Victoire Camus ou les dentelles dorées de Marie De Decker. Tandis que la maison-atelier Ozenfant, construite dans les années 1920 par Le Corbusier, pour son ami le peintre éponyme, accueillait la réédition récente d’une étagère et bibliothèque, dessinées par Marcel Gascoin et le fauteuil Premier Prix de René Gabriel, créés dans la période de la Reconstruction, pour les logements havrais d’Auguste Perret.  Ils sont produits par Hyacinthe, une toute jeune maison d’édition française.

Collection Source Edition, réédition de design des années 1950 à 1970 (source-édition.com)

Fauteuil Dialogue, création André Monpoix, 1967, réédité par Source Edition (source-édition.com).

Fauteuil Dialogue, création André Monpoix, 1967, réédité par Source Edition (source-édition.com).

Banc Oiseau blanc, en acier Corten et dorure à la feuille, Sylvain Rieu-Piquet, Ymer&Malta (ymeretmalta.com).

Exposition Bel Ouvrage, avec les créations de Tim Leclabart (timdeclabart.com) et une œuvre murale dorée à la feuille de Marie De Decker (art.mariededecker.com).

Vers la place des Victoires

Parmi les éditeurs textiles, la maison Lelièvre a dévoilé une nouvelle collaboration avec la marque Talka : deux modèles de lampes à poser associant, tissus et laiton. Mais aussi un mariage avec Cos pour l’édition de deux tapis. Tandis que sa nouvelle collection Contrée Sauvage, aux normes adaptées aux hôtels, bureaux et collectivités, met en relief des textures raffinées et sophistiquées, finition satin rayé, chenille, chevron avec fil doré. Le groupe Casamance a présenté deux nouvelles collections textiles : Issé Prestige avec des matières au tombé fluide et toucher majestueux, regroupant 21 qualités et Issé La Collection, caractérisée par des jeux de lignes, des textures subtiles, des broderies faites main et des impressions artisanales, déclinés en 19 modèles et racontant autant d’histoires. Tandis que l’éditeur Toulemonde Bochart a décliné plusieurs tapis d’inspiration méditerranéenne, caractérisés par des jeux de reliefs et dessinés par la designer et architecte d’intérieur Dorothée Delaye. L’agence d’architecture RDAI a créé l’évènement avec la réédition de pièces conçues par Rena Dumas, dans les années 1990. La collection Robinson, ajustée aux normes d’aujourd’hui, associe le châtaignier étuvé, travaillé par l’atelier cévenol Chatersèn, avec le zinc, la pierre de lave chauffée et le cuir.

Canapé recouvert du jacquard graphique Edmond sur base viscose et lin, trame épaisse de coton. Coussins en velours de mohair Ella. Yssé La Collection, Casamance Group (casamance.com).

Tapis Sabbia, création Dorothée Delaye pour Toulemonde Bochart (toulemondebochart.com).

Tapis Sabbia, création Dorothée Delaye pour Toulemonde Bochart (toulemondebochart.com).

Collection Robinson, création Rena Dumas, rééditée par RDAI (rdai.fr).

Du côté du Marais

La Paris Design Week Factory avait investi cinq lieux avec l’exposition principale, située rue Commines, curatée par le collectif Meet Met Met et le designer Thibault Huguet, installé à Bruxelles. Dans la quintessence de la création futuriste, prototypes et pièces d’avant-garde dessinant le design de demain, on pouvait découvrir le travail de biodesign de Loumi Le Floc’h. Elle façonne des tentures, rideaux, séparations de pièces, aux transparences magiques comme des vitraux, à partir de peaux d’aubergine. Ses Precious Peels possèdent la délicatesse du papier et la souplesse du tissu. Parmi les pays invités, la Chine, le Guatemala et surtout le Portugal mis à l’honneur, à travers des créations qui réinventent les savoir-faire artisanaux comme le travail du bois ou de la céramique. Les femmes, designers et artistes, avec le collectif d’artistes Oh my laine ! mais aussi l’exposition Lux Naturale (galerie de Pauline Carreta) et le design sensible de Margaux Keller, se sont distinguées. Dans une ambiance très ensoleillée, rendant hommage à la ville de Marseille, Margaux Keller a notamment investi un espace très conséquent pour présenter l’ensemble de sa collection Sainte-Victoire, ses nouveautés autour des arts de la table, extensions de lignes et déclinaisons de produits déjà existants.

Tenture Precious Peels, création Loumi Le Floc’h (loumilefloch.com).

Exposition Oh my Laine !, en collaboration avec Lainamac (ohmylaine.fr et lainamac.fr)

Sofa modulaire Duna de Nini Andrade Silva pour l’exposition Made in Portugal Naturally.

L’univers de Margaux Keller (margauxkeller.com).

L’univers de Margaux Keller (margauxkeller.com).

A l’ombre de Saint-Germain des Prés

C’est dans ce quartier que Serge Lesage a ouvert son nouveau showroom pour présenter ses tapis et sa collaboration avec Sarah Gracia, nouvelle directrice artistique de la marque et auteure de pièces de design d’exception (Atelier Munaé). Rue de l’Université, une récente maison d’édition, créée par deux architectes d’intérieur, dévoilait sa première collection. Adret propose des pièces à la signature singulière, tissant des liens avec les arts décoratifs, les années 1930/40 ou 80, l’essentialité de Donald Judd, naviguant entre l’esprit vintage et le contemporain : Table basse en pierre de Saint-Maximin, dans l’Oise, bout de canapé en chêne ou hêtre massif, luminaire en collaboration avec la céramiste Alice Trescarte, canapé et fauteuil, en référence au modèle Ours de Jean Royère, miroir en pierre de lave émaillé, hommage à Georges Jouve, réédition d’un fauteuil en altuglas de l’artiste suisse Esther Hess. Dans son showroom près de la Seine, les créations spectaculaires d’Alain Ellouz associent l’albâtre avec le bois patiné à l’encre de Chine, pour un canapé intégrant un système d’éclairage et des espaces rangement. La structure a été fabriquée par la maison Duvivier Canapés qui a présenté, rue Mazarine, la continuité de la collection Barbara, initiée avec Jean-Philippe Nuel. L’albâtre s’est aussi mêlée à la laine pour composer un tapis et une œuvre murale, signés Alain Ellouz et Danneels + Zafiro. Dans ce quartier prisé, il ne fallait pas manquer l’exposition rétrospective de la galerie Yves Gastou, avec des pièces emblématiques des années 1980, pour  fêter ses 40 ans d’existence. En face, les créations de Thierry Lemaire rendaient hommage à l’architecture moderniste de Luis Barragán, avec des lignes sculpturales et brutalistes, des matières à la forte présence comme le travertin, le titanium, l’onyx. Tandis que les nouvelles pièces de Franck Genser, présentées dans son appartement showroom, répondaient à la tendance des formes organiques. Plus démocratique, la marque Fermob présentait sa première cuisine d’extérieur, sa nouvelle teinte phare beige latte et, en avant-première, une réédition de la lampe Swiing, revisitée par Sarah Lavoine, avec un pied teinté dans son bleu signature et un diffuseur couleur ambre,

Tapis Cairn brique, Serge Lesage (sergelesage.com).

Nouvelle collection Adret par RMGB Architecture (rmgb.fr). Photo : © Stéphane Réchaud

Canapé Barbara, création Jean-Philippe Nuel, Duvivier Canapés (duviviercanapes.com).

Canapé Fusion, création Alain Ellouz, en collaboration avec Danneels + Zafiro et Duvivier Canapés (alain-ellouz-paris.fr).

Tapis lumineux Fusion, création Alain Ellouz avec la Manufacture de Tapis de Bourgogne (alain-ellouz-paris.fr).

Nouvelle collection de Thierry Lemaire (thierry-lemaire.fr).

Canapé Scarf, création Franck Genser (franck-genser.com).

Nouvelle cuisine d’extérieur Goosto, coloris ocre, Fermob. Photo : © Nicolas Matheus

Un salon qui se réinvente

Quant au salon Maison & Objet, il retrouve une nouvelle diversité avec un découpage rationalisé en quatre halls et six secteurs. Le concours France Impact Award par l’APCI, présidé par le designer Mathieu Lehanneur a récompensé 13 lauréats pour leurs idées novatrices. Le Rising Talent Award a mis en avant les jeunes talents de l’Allemagne. Près du Design district et Factory by Paris Design Week, composé d’une cinquantaine d’exposants et scénographié par le collectif français Hall Haus, on pouvait découvrir les créations écoresponsables de Duplex, une entreprise bruxelloise qui produit à partir de matériaux de réemploi. Sa nouvelle collection de mobilier met en évidence des tubes ronds et carrés en métal et du contreplaqué de bouleau, teinté dans une gamme de cinq couleurs, dont l’épaisseur de 4 cm propose un style distinctif. Dans le cadre de Future on stage, l’entreprise Hilo dévoilait son système de rangement universel et astucieux à base de tringles télescopiques et étagères modulables qui s’adaptent en fonction des besoins. Le design culinaire était aussi à l’honneur avec le studio Yüssée. Il a mis au point un coffret accueillant un choix de quatre fleurs comestibles, à base d’ingrédients fermentés, associant les cinq sens pour un nouveau concept de dégustation. Cette création inédite a reçu le Premier Prix d’innovation de Paris 2025. A noter, la nouveauté de la marque Schmidt, un concept urbain de cuisine pour petits espaces : Les différents éléments de Spoon & Room se composent d’une structure métallique en acier très solide sur laquelle on applique des panneaux pour composer des modules avec, notamment, un îlot aux dimensions réduites se transformant en bureau. Enfin, côté couleurs, la tendance est aux teintes pastels, avec une prédominance du bleu clair et céruléen. Le vert kaki se mêle au jaune et au rose. Et les faux blancs, crème, beige ou craie, apportent une touche de lumière.

Collection WDO2, création Duplex Studio (duplexstudio.be).

Dans le Design District, les créations de Hall Haus (@hall.haus).

https://www.maison-objet.com/paris