Le cours d’art floral magistral de Damien Hirst à Paris

La Fondation Cartier pour l’art contemporain accueille « Cerisier en Fleurs ». La première exposition personnelle de Damien Hirst dans une institution à Paris est une expérience à la beauté à la fois éblouissante et étrange. Elle présente au public un aperçu exceptionnel d’une nouvelle série que l’ancien enfant terrible de l’art contemporain a achevée durant la pandémie. Radicale et ultra photogénique, cette installation monumentale de peintures représentant des sakura en floraison est une étape importante dans sa carrière. Celle d’un habitué des ventes aux enchères records chez Christie’s et Sotheby’s, des galeries d’art prestigieuses comme Gagosian et des scandales. Une œuvre qui trouve sa cohérence dans le paradoxe, oscillant entre le psychédélisme, l’attrait pour la mort et l’humour, un minimalisme extravagant, toutes sortes d’animaux, et cette fois-ci la nature.

© Damien Hirst

Un nouvel événement dans l’œuvre d’un des artistes les plus chers au monde

Dès la billetterie de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, l’exposition « Cerisiers en Fleurs » de Damien Hirst se reflète dans l’imposant bâtiment tout de verre et de métal construit par l’incontournable architecte français Jean Nouvel pour le lieu d’exposition et de création du grand joaillier et mécène des arts. Ce « cadre » est pour ainsi dire parfait et attire de nombreux visiteurs qui brandissent tour à tour leurs smartphones : direction Instagram pour partager les œuvres exposées. D’immenses toiles colorées aux dominantes tantôt rosées et blanches ou rougeâtres et même orangées. Des peintures accrochées à des intervalles parfaitement égaux dans les espaces de la fondation. Toutes montrent la même chose : des cerisiers japonais dans la plus explicite des floraisons, obstruant plus ou moins entièrement des ciels bleus sans aucun nuage. Ces azurs s’aperçoivent parmi une orgie de boutons, feuilles et branches. Une sorte de suite inattendue à  « Nous les Arbres », la grande exposition itinérante de la Fondation Cartier, qui a notamment fait voyager l’œuvre de l’architecte engagé Stefano Boeri à Shanghai.

VILLAS Decoration Damien Hirst

Damien Hirst

VILLAS Decoration Damien Hirst

Damien Hirst

 

Trois années ont été nécessaires à Damien Hirst pour terminer 107 nouveaux tableaux, dont 30, ni plus ni moins, sont présentés à la Fondation Cartier à Paris. Un « geste pictural » extraordinaire voulu par l’artiste. Tout à la fois teinté d’hédonisme et provocant, cet élan créatif marque un retour aux sources pour le Britannique, membre clé des fameux Young British Artists. Ce groupe, tel que défini par les expositions de la galerie londonienne Saatchi durant les années 1990, a participé à transgresser les conventions et a ouvert la porte à une nouvelle popularité pour le médium de l’art contemporain. Un genre qui continue à faire débat dans la société.

Papillons et vaches mais aussi crânes humains, mouches et requins savamment malmenés ont longtemps hanté l’univers de l’art contemporain aux yeux du public. Les dernières œuvres reconnues mondialement de l’artiste anglais Damien Hirst, véritable star de l’art omniprésente durant les années 2000, ont presque éclipsé ses premières productions datant de la fin des années 1980 et considérées comme des chefs-d’œuvre à l’instar des Medecine Cabinets. Des rutilantes armoires à pharmacie immaculées et surdimensionnées, remplies de vraies et fausses pilules et boîtes de médicaments disposées comme de précieux joyaux. Toujours à contre-courant de sa propre pratique, l’artiste s’est récemment fait remarquer par sa création d’une vente aux enchères de tokens non fongibles. Ces fameux « NFT » : ces œuvres numériques éphémères considérées comme une révolution dans le monde et le marché de l’art contemporain. Un artiste opportuniste ? Damien Hirst est « un artiste britannique avec une touche d’Amérique » comme le souligne parfaitement la critique d’art Gilda Williams dans l’exponentiel catalogue d’exposition de « Cerisiers en Fleurs ».

VILLAS Decoration Damien Hirst

Damien Hirst

Un ensemble inédit de toiles inspirées de l’Impressionnisme et l’action painting

Retour en grâce orchestré par Damien Hirst lui-même à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, « Cerisier en Fleurs » évoque sans détour ses références. Elles sont issues des grands courants de l’art du 20ème siècle tel le mouvement impressionniste ainsi que des thèmes de paysages japonais et Nymphéas de Claude Monet. Cette exposition à la disposition classique et immersive s’inspire aussi nettement de la scénographie du Musée de l’Orangerie, situé à Paris. L’abstraction par la gestuelle du maître de la peinture expressionniste américaine Jackson Pollock se retrouve enfin dans la dynamique à la fois entièrement libre et répétitive avec laquelle Damien Hirst a procédé à la création de ces toiles « bombardées de peinture de bout en bout » (sic). L’aspect total look de ce groupe d’œuvres aux sujets identiques est aussi une volonté de l’artiste qui manie l’ironie avec virtuosité depuis ses débuts. La seule originalité dans l’accrochage de cette exposition est un quadriptyque formé par quatre tableaux. Une pièce-image de « Cerisier en Fleurs », qui peut se voir comme un gigantesque test de Rorschach qui reflèterait le vital besoin d’optimisme et d’enthousiasme actuel. La véritable valeur de chacune de ces œuvres, bien plus inhabituelles qu’elles ne laissent paraître, réside en réalité dans leurs détails à foison et le bonheur à répétition (et non sans second degré), qu’elles offrent à la visite pour les amateurs tout comme les plus exigeants des collectionneurs d’art.

Une continuité artistique retrouvée pour Damien Hirst. Quelque part entre ses cultes Spot Paintings ou peintures à point de couleurs sur fond blanc débutées en 1986, ses joyeuses gouaches saturées de la série Visual Candy de 1993 (une idée qu’il reprendra avec ses Veil Paintings et ses compositions d’esprit postimpressionniste) et ses toutes dernières sculptures d’artefacts présentant coraux, algues et trésors des milieux marins.

Fondation Cartier pour l’art contemporain
261 boulevard Raspail, 75014 Paris (France)
fondationcartier.com