Jean Nouvel : la plus belle œuvre du musée national du Qatar

Les réalisations de Jean Nouvel ont profondément renouvelé l’architecture et marqué le public. L’architecte français continue d’être à l’origine d’immeubles spectaculaires construits dans le monde entier, de meubles élégants et ingénieux pour les plus grands éditeurs de design ainsi que d’hôtels de luxe, de salles de spectacles et de musées d’art internationaux qui valent à eux-seuls le déplacement. Véritable « rose des sables » de la péninsule arabique érigée par les Ateliers Jean Nouvel, le National Museum of Qatar est un joyau qui se dévoile entre terre et mer le temps d’une visite.

Adapté d’un texte de Sophie Van Leeuw
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VILLAS Decoration Jean Nouvel
© Iwan Baan | NMoQ

Une nouvelle prouesse architecturale en plein désert

Des réalisations monumentales et innovantes signées Jean Nouvel

L’expérience hors du commun que propose Jean Nouvel et son agence d’architecture avec le National Museum of Qatar (NMoQ) marque une nouvelle étape dans l’important panel de réalisations menées par ce titulaire du Pritzker Prize, la plus haute récompense en architecture dans le monde. L’implantation de son œuvre dans le paysage architectural en évolution de Doha a par ailleurs occasionné des comparaisons avec une autre réalisation dans l’État qatari : celle de l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, fameux récipiendaire du même prix d’architecture. OMA, l’agence de ce dernier, est l’auteur de la Bibliothèque nationale du Qatar : un building proéminent et triangulaire à l’étrangeté futuriste qui peut laisser indifférent. Pour le Français Jean Nouvel, l’architecture doit être au contraire, une forme de beauté comparable à de l’art. La réalisation du National Museum of Qatar en est le parfait exemple.

À Paris, Jean Nouvel est à l’origine de nombreux monuments et tout particulièrement des institutions culturelles pour les arts anciens, modernes et actuels : de l’artisanat à la musique en passant par les arts plastiques. Celles-ci ont été érigées depuis la fin des années 1980. La capitale française compte ainsi l’Institut du monde arabe (1987), la Fondation Cartier pour l’art contemporain (1994), le Musée du Quai Branly (2006) et la Philharmonie de Paris (2015).

Gratte-ciels pour multinationales, centres de finances dans les villes internationales comme Tokyo (Dentsu Towers) et Barcelone (Torre Agbar) et bâtiments administratifs à la structure horizontales massives, comme dans des villes françaises à Nantes (Palais de justice) ou encore Montpellier (Hôtel de Ville), ont jusqu’ici caractérisé « l’esprit Jean Nouvel ».

VILLAS Decoration Jean Nouvel

Iwan Baan | NMoQ

Une approche singulière et environnementale

Quel est le style de l’architecture de Jean Nouvel ? Certainement le mélange d’un penchant pour des structures comme des monolithes, parfois des ovoïdes, du noir, du rouge profond. Et de la pleine transparence à tous les étages avec un esprit aérien qui anime le verre, l’acier et le béton brut avec de multiples jeux d’ouvertures et de lumière. Aussi, des formes rectangulaires qui inspirent la stabilité. Des architectures qui sont orientées pour tenir compte au mieux du paysage environnant et minimiser le réchauffement naturel du bâti ou encore en limiter sa consommation énergétique.

L’implantation d’une extension du Musée du Louvre dans les Émirats arabes unis, voulue par l’État français, a donné naissance en 2017 au Louvre Abu Dhabi, le tout premier musée universel du monde arabe. Près d’un millier d’œuvres, toutes périodes et civilisations confondues, depuis les origines du monde à l’art contemporain, y sont conservées. Le concept ambitieux et raisonné de Jean Nouvel y a fait ses preuves : l’architecture de ce lieu est basée sur le principe de la coupole arabe traditionnelle, en l’espèce entièrement perforée (l’inspiration est celle de la cloison dite « moucharabieh »). La lumière baigne les immenses espaces du musée. Un microclimat y a ainsi été créé et l’eau de pluie y est même économisée.

Inauguré deux ans plus tard, en 2019, le Musée national du Qatar émerge quant à lui « d’un désert qui s’est aventuré dans la mer » selon l’architecte français. L’ouvrage s’étend sur 350 mètres le long sur la grande baie de Doha et prend la forme d’une rose des sables. Ce type de roche naît par le phénomène naturel de la cristallisation de minéraux au sommet de la nappe d’eau, près de la surface du sol. Le National Museum of Qatar semble ainsi jaillir de la terre et fusionner avec elle.

Rencontre entre le paysage et l’Histoire

Une rose des sables qui sublime Doha

Les disques entrelacés qui composent cet édifice à l’allure iconique représentent la roche balayée et sculptée par les vents. Leurs formes évoquent également la culture et le climat du Qatar. Le revêtement en béton couleur sable est en accord avec l’environnement local et les ombres naissent grâce à des éléments en surplomb. Ils permettent à la fois de se promener à l’extérieur et protègent, à l’intérieur, de la lumière et de la chaleur. Les fenêtres en retrait s’y font rares, et le soleil ne les atteint jamais. Dans l’enceinte de l’institution, les espaces générés par ces disques architecturaux s’entrecroisent. Cette construction déploie ainsi une multitude d’espaces aux volumes graphiques et géométriques. Ainsi, lorsque le visiteur en traverse un, il ne peut soupçonner l’architecture du suivant. Cela participe à créer une dynamique de découverte surprenante.

La destinée royale du Musée national du Qatar

Ce musée est construit autour d’un édifice historique qui abritait le musée du patrimoine local et qui fut la résidence de la famille royale : le palais du cheikh Abdullah bin Jassim Al Thani (1880-1957), fils du fondateur du Qatar. La visite s’effectue selon un parcours elliptique autour d’une cour centrale présentant de légers dénivelés, en écho aux ondulations naturelles des dunes. Les collections permanentes, consacrées à l’histoire géologique, culturelle et politique du Qatar y sont présentées. Le point culminant étant la découverte de l’ancien Palais, l’un des joyaux des collections du NMoQ, ici restauré dans son état d’origine.

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Iwan Baan | NMoQ

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Collections uniques et chef d’œuvres historiques

Le Musée national du Qatar de Jean Nouvel s’organise en trois sections composées de onze galeries. 7 000 m2 sont dédiés aux collections permanentes et 1 700 m2 aux expositions temporaires. Chaque galerie raconte une partie de l’histoire du Qatar et ce, par l’association de sons, images d’archives et objets patrimoniaux. On peut y observer le célèbre tapis de perles commandé par le maharadjah de Naroda en 1865 et orné d’un million et demi de perles du golfe Persique (diamants, émeraudes, saphirs…). Un objet inouï, acquis lors d’une vente enchères à la maison Sotheby’s, ici accompagné de photographies, de bijoux ou encore de costumes traditionnels, parmi de nombreux artefacts.

Un musée contemporain et un oasis de sculptures

Le NMoQ marque une fois de plus le petit État du Qatar comme l’une destination au centre de l’art au Moyen-Orient. Un « géant » dans le monde et le marché de l’art, suite aux acquisitions remarquées par ce pays de sculptures monumentales du plasticien land art Richard Serra et d’une peinture de Paul Cézanne, pour plusieurs centaines de millions de dollars.

Un éventail d’art moderne et contemporain illumine un peu plus les riches collections du Musée national du Qatar. Si sa sélection est principalement orientée vers les créations du monde arabe et les commandes auprès d’artistes qataris, la sélection présidée par la princesse du Qatar Sheikha Al Mayasaa, sœur de l’Émir actuel et présidente des musées du Qatar, déploie des références internationales très appréciées des collectionneurs telles Damien Hirst, Mark Rothko et l’incontournable Andy Warhol.

L’expérience pleinement muséale offerte par le Musée national du Qatar tel que pensé par Jean Nouvel est complétée par un parc paysager qui réinterprète les panoramas désertiques de la région, avec une alternance de petites dunes, de jardins inspirés des plaines plates, des salines des lacs (les « sebkhas ») et des oasis. Ce domaine abrite uniquement des plantes, des essences locales… et un lagon de 900 mètres de long agrémenté de plus d’une centaine de fontaines dessinées par l’artiste français Jean-Michel Othoniel. Leurs tracés presque impressionnistes semblent être hérités de la calligraphie arabe. Autant de points de suspension à une visite extraordinaire.

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Iwan Baan | NMoQ

Époustouflant mais aussi vert et durable

La visite des collections et des jardins du Musée national du Qatar de Jean Nouvel s’achève par un moment saisissant à la boutique du musée. Bien plus qu’un simple magasin et librairie d’art, il s’agit d’une véritable prouesse réalisée par le bureau australo-nippon Koichi Takada Architects. Des architectes notamment réputés pour leurs projets de « forêts verticales ».  Érigé entièrement en bois rassemblé à partir de productions de forêts écoresponsables en Europe, ce lieu à part entière dont le design évoque l’ancestrale grotte qatarienne Dhal Al Misfir, impressionne au même titre que le Musée national du Qatar.

Bien que sis en plein désert, le Musée national du Qatar est le premier musée national à avoir acquis la certification green LEED, le système de standardisation de bâtiments à haute qualité environnementale, ainsi que quatre étoiles auprès de Green Star. Ce système de notation défini par l’association Green Building Council of Australia permet de vérifier qu’une construction est véritablement durable.

Museum Park St, Doha, Qatar (Émirats arabes unis) qm.org.ca